De nombreuses gens en notre bon royaume, j’en connais, et des haut placés
puisque certains sont montagnards, ne savent que faire pour se dégourdir les
jambes le dimanche après le tonnant sermon du Père Septeur sur le
non-versement scandaleux de sa juste dîme.
De plus nombreuses gens encore, j’en connais donc davantage, et des célèbres
puisque certains ont même des Saints à leur nom, s’ennuient et se morfondent
le soir, au coin gris de l’âtre froid où gèlent leurs membres grêles et las
d’une énième dure journée de labeur occupée à croître (un peu) et se
multiplier (beaucoup), afin de garder intacte l’assiette de l’impôt
(durement mise à mal par les famines, les épidémies voire pire, les fraudes
fiscales).
C’est pourquoi notre bon Roy, qui est la voix de la Justice et de la Sagesse
sinon il ne serait pas l’Oint du Seigneur, a décidé, empli d’une juste
sapience dont l’auguste magnanimité bouleverse le populaire de France et de
Navarre, de déclarer la Soule Royale la distraction favorite de son bon
peuple.
Grâces lui en soit rendues parmi les cohortes éthérées des Chœurs célestes
où de potelés angelots joufflus vocifèrent son nom trois fois loué pour
toutes ses bontés et son royal discernement.
Qu’est-ce que la Soule Royale ? C’est un noble jeu où deux équipes
s’affrontent, l’une face à l’autre, le but étant de gagner la partie sans la
perdre. Il y a une balle (soule) au milieu du terrain, mais là n’est pas
l’essentiel. En fait, la Soule Royale est surtout un salutaire exutoire
ludique pour qui voudrait savater son prochain à loisir et à l’abri du
courroux judiciaire. Et c’est également une source inépuisable de jeux de
mots ayant tous trait à l’abus de boissons alcoolisées (qui, je le rappelle,
nuit au salut de l’âme).
Mais la Soule est aussi un jeu de gentlemen. Les dames sont galamment
conviées à participer aussi, et elles peuvent savater leurs maris, leurs
pères, leurs frères, leurs amants, il n’y a pas de raison. Un arbitre veille
au grain et au bon déroulement des débats, voire file lui aussi une p’tite
béquille de temps en temps, ça soulage, d’où le nom de ce noble jeu.
Si vous voulez vous divertir et fracasser du gringalet aux dépends d’une
équipe adverse (donc par définition inférieure en force et en ruse), la
Soule est faite pour vous !
Nul besoin de comprendre les règles, votre capitaine d’équipe y pourvoira.
Occupez-vous plutôt de graisser votre haubert et de tailler vos ongles en
pointe.
Maints villages se sont déjà dotés de leur propre équipe de Soule Royale,
pouvant désormais occuper allègrement leurs mornes dimanches après-midi et
leurs soirées moroses en de saines rivalités de clochers. Bientôt le Royaume
entier sera gagné par cette fièvre soulesque (ou une ordonnance royale
pourra y remédier, au besoin), n’attendez plus, montez votre équipe de 11
joueurs et 4 remplaçants et commencez à vous entraîner ;
Car le 9 octobre prochain débute la Première Coupe de France de Soule
Royale. Pas sans vous !
Seul le souleur sot se lasse du sel de la soule.